Reportage

Fin novembre, la séance inaugurale du projet Juke Vox, se tient dans le local de L’Instant Donné à Bagnolet, où Maxime Echardour accueille les élèves du dispositif ULIS. Dans ce lieu débordant d’instruments, il présente aux élèves le programme de l’année : « C’est un projet créatif, on va inventer des choses ensemble ». Le musicien a préparé différentes percussions, qu’il présente par famille : les peaux, les bois, les métaux. Tantôt il explique comment s’en servir, tantôt il laisse les élèves libres de découvrir par eux-mêmes les sonorités à en tirer. Avec les percussions en bois, il propose à quelques élèves de créer une petite composition, en imaginant eux-mêmes une façon d’organiser les sons, comme s’ils inventaient une histoire, une partition sans partition. Il faut écouter les autres et trouver la bonne façon de rentrer collectivement dans le son. Chacun est concentré, tient sa partie et les instruments arrivent les uns après les autres, finissant par dessiner un paysage sonore. Les élèves sont engagés de plusieurs façons : en tant que joueurs, tour à tour ou ensemble, dirigés ou libres de construire leur propre « composition spontanée », ou bien en tant que public, invités à décrire ce qu’ils ont entendus. « Avec Violaine, nous allons partir des idées que vous allez proposer. On va se voir souvent et faire grandir de la musique ensemble », explique le musicien pour conclure l’atelier. Les élèves en ULIS vont poursuivre tout l’hiver la découverte des instruments et modes de jeu, avant d’être rejoints fin février, par la classe de 6e

Musique et mathématiques

Après un concert d’accueil au Centre Paris Anim’ du Point du jour, préparé par Maxime Echardour et le clarinettiste Matthieu Steffanus sur le thème des mathématiques, tous les élèves se retrouvent ce 4 mars pour un atelier en commun. Violaine Lochu et Maxime Echardour mènent la séance, qui commence par des exercices de respiration. La performeuse fait travailler leur voix aux enfants, en expliquant le fonctionnement du larynx et des cordes vocales. Elle montre ensuite comment produire des harmoniques avec sa langue (bouche fermée) et demande aux enfants de toucher différentes zones de leur visage (front, nez, menton) tandis qu’ils produisent ces sons. « Qu’est-ce que vous avez senti sous vos doigts ? » Des vibrations. Conclusion ? « Le son de la voix ne sort pas uniquement par la bouche mais se propage aussi par les os. » La performeuse transmet ainsi un savoir d’une façon sensible et physique.

Violaine Lochu présente la thématique de l’année, les chiffres, et demande aux élèves à quels moments on les utilise au quotidien. Les exemples fusent (lignes de métro, codes postaux, prix, heures ou numéros de téléphone). Maxime Echardour prend le relais en distribuant une multitude d’instruments, et proposant aux élèves de travailler la nature des sons. Au fur et à mesure, chaque instrument rejoint les autres et un vaste paysage sonore se déploie. La moitié des élèves joue, l’autre écoute ; on change les rôles au bout de cinq minutes. Interrogés sur leur expérience d’auditeur, les élèves disent avoir imaginé « le bruit de la plage », « une cascade avec plein d’oiseaux » ou encore « un rêve très doux ». 

 

Pour le dernier temps de l’atelier, ils vont mettre en musique un des numéros de téléphone notés plus tôt. Un élève le déclame en boucle en modulant sa voix tandis que cinq de ses camarades improvisent un accompagnement musical. Il y a plusieurs tours pour que chacun puisse s’essayer à l’exercice. Pour aider une élève à trouver une façon musicale de dire le numéro, Violaine Lochu lui conseille de marquer le rythme, avant de demander aux autres quels sons on pourrait ajouter et à quel moment : des coquillages quand elle dit « 98 », le tambour au moment où elle baisse la voix, le bâton de pluie quand elle hausse la voix. L’élève va dire cinq fois le numéro et à chaque passage, un musicien entre en jeu. Au dernier tour, tous les élèves disent le numéro en même temp, puis enregistrent leur performance. 

Concentration

Le 29 avril, Violaine Lochu anime seule la séance, et propose d’emblée une série d’échauffements aux enfants, d’abord allongés sur le dos, les yeux fermés : « Je prends conscience de la richesse de l’ambiance sonore qui m’entoure. Je profite de ce moment pour me relâcher et imaginer un endroit où je me sens bien. » C’est à la fois un travail d’imagination, de concentration et de mise en condition. Suivent de nouveaux exercices où il faut tirer la langue et ouvrir grand la bouche, des exercices « qui vont vous aider dans votre vie quotidienne pour vous détendre et vous per-mettre d’affronter des situations difficiles. »

Violaine Lochu a déjà en tête la performance de fin d’année et fait travailler les élèves sur une forme : tous comptent en même temps, dans la langue de leur choix, en murmurant. Cela crée un bruissement très musical, dont on teste aussi une version en crescendo, où il faut passer du pianissimo au forte en une minute. Après une pause, les élèves reviennent sur ce qu’ils ont fait la séance précédente avec Maxime Echardour. Il faut se souvenir des gestes et enchainements, répéter. Durant ces 30 minutes de travail en petits groupes, les propositions évoluent sen-siblement et s’améliorent au fil des essais et répétitions. Les élèves ont produit six formes courtes très différentes, six comptines autour des chiffres ou du fait de compter, qui sont chantées ou scandées, dansées ou performées. 

Restitution

21 juin, c’est la fête de la musique mais aussi celle du collège Claude Bernard : des stands ont pris place dans la cour et les élèves se sont mis sur leur 31. Des flyers ont annoncé l’une des animations du jour : la restitution du projet Juke Vox, sous la forme d’une performance qui sera jouée deux fois, à 16h et 16h30. Tandis que parents, professeurs et camarades s’installent en classe de musique, les élèves sont assis en cercle. L’une d’entre eux se lève et lance la performance en comptant en arabe, tandis que les autres se saisissent de diapasons posés devant eux, qu’ils font résonner avant de se lever à leur tour. En un peu moins de dix minutes, le groupe propose une performance où s’insèrent les différentes formes travaillées au fil de l’année, non pas en une succession de vignettes mais en un mouvement ininterrompu, où les propositions, voix et gestes, se chevauchent et s’enchainent. Un tableau mouvant et ludique où chacun prend sa place dans l’élan collectif.