Le Festival avec les associations du champ social

Convaincu du rôle puissant de la culture dans le maintien et le renouvellement du lien social, le Festival d’Automne poursuit ses actions initiées avec plusieurs associations de Paris et d’Île-de-France. Il propose à chaque partenaire associatif de construire un parcours permettant à ses bénéficiaires de profiter de sorties culturelles, d’ateliers de pratique et de rencontres avec les artistes.

 

 



En 2023, le Festival a renouvelé son partenariat avec l’association LOBA, fondée en 2017 par les danseurs Bolewa Sabourin et William Njaboum pour accompagner des femmes victimes de violences sexuelles. Leur projet envisage la danse comme un outil d’émancipation, un moyen d’expression pour extérioriser les traumatismes et s’en libérer, se réapproprier son corps et faire un pas vers la reconstruction. Dans ce cadre, le Festival d’Automne a proposé à ces femmes un parcours comprenant trois spectacles et un atelier de pratique artistique, animé par Nadia Beugré.

Récit de cette séance de deux heures, menée d’une manière douce et stimulante par la chorégraphe ivoirienne. 

 

Pour se rendre dans la salle que le Centre Pompidou a mis à disposition pour cet atelier, il faut traverser la collection contemporaine du musée, et passer devant une myriade d’installations et d’œuvres plastiques un peu intimidantes. Mais dans l’espace clos qui accueille la séance, Nadia Beugré et le danseur Kevin Sery mettent tout de suite à l’aise les participantes, en diffusant de la musique avant même que le moindre mot ne soit échangé. Elles rejoignent spontanément le plateau et forment bientôt un cercle, chacune bougeant à son rythme tandis que Nadia Beugré donne quelques consignes et conseils pour se mettre en condition. La chorégraphe leur demande d’ouvrir les bras et de se donner la main. En cercle, on se penche en avant, on tire à droite, à gauche, puis vers le haut. D’autres exercices requièrent un peu plus de coordination pour ne pas briser le cercle, suscitant le rire des participantes. En quelques minutes, l’exercice a non seulement échauffé les articulations mais aussi détendu l’atmosphère et créé une complicité.
Les bras levés, le cercle ouvert, on suit maintenant les consignes distillées par Kevin Sery – avec humour et bienveillance – pour bouger ses poignets et enrouler ses mains en l’air. À la fin de l’exercice, fusent des applaudissements spontanés. La chorégraphe a quelques mots encourageants avant de relever que les gestes qui viennent d’être exécutés « sont déjà une écriture ». Elles vont maintenant essayer d’enchainer une combinaison simple de gestes : bras tendus et mains jointes puis les mains se libèrent. « Imaginez que vous êtes en train de tisser », conseille la chorégraphe pour cet exercice très doux et accessible à chacune, quel que soit son âge. Sans musique, chacune est dans son mouvement et son rythme, certaines les yeux fermés. « La mémoire garde les mouvements mais pas le rythme. Essayez de définir ce que veut dire votre geste et ce sera plus facile. Ces mouvements vous appartiennent, maintenant. » Ces enchainements sont ensuite déclinés à différentes vitesses, en musique, puis dans plusieurs positions : au sol, debout, en mouvement.

Les séquences qui se succèdent permettent à chacune d’explorer le sens à donner à ses gestes. Nadia Beugré met notamment en place des binômes pour une battle où chacune doit réagir aux gestes de l’autre. À la clé, un exercice étonnant, qui porte à la fois sur l’intériorité, le sens que chacune attribue à ses propres gestes, et sur l’altérité. Les binômes ainsi constitués vont se déplacer dans l’espace. « Même si quelqu’un passe entre vous, vous savez que vous êtes connectées », explique Nadia Beugré avant d’amplifier l’exercice en demandant aux participantes de plier les genoux ou de bouger le bassin.
Après une longue prise de parole où la chorégraphe évoque son travail, ses réflexions et recherches – sur les migrations, la transmission de la mémoire, la transformation du poids de l’histoire en une force pour chacune, la sororité –, le dernier moment de l’atelier va questionner la notion de course. Les participantes vont courir (sur place) en imaginant que des obstacles leur font face. « Fixez-vous un objectif, trouvez la raison de votre course. Quand vous sentez que vous êtes fatiguées, encouragez-vous ». Sur une musique de Toumani Diabaté, le groupe compact se met à en mouvement. Un signal de la chorégraphe indique un obstacle à éviter, auquel chacune réagit individuellement (un mouvement sur le côté, un saut) mais en solidarité avec le groupe.  
La séance s’achève sur un temps de repos, où le cercle se reforme au sol pour des exercices de respiration, massage et étirement. « Je vous remets à l’endroit », explique Nadia Beugré dans une formule touchante. Enfin, les femmes se relèvent et sont invitées à arpenter l’espace en marchant, les yeux fermés. « Faites-vous confiance. Fredonnez quelque chose, comme ça vous savez où sont les autres ». Les deux heures se terminent sur ce beau mouvement au ralenti, dans une atmosphère douce où mélodies et rires flottent dans l’air, pour indiquer une présence au monde, l’appartenance à un groupe.