Édition 2023 – Reportage Immersion artistique
Pour l'édition 2023 du Festival d'Automne, Thomas Quillardet et sa compagnie 8 AVRIL se sont installés durant une semaine dans quatre lycées franciliens : le lycée Maurice Utrillo de Stains, le lycée Montesquieu d’Herblay, le lycée Fragonard de L’Isle-Adam et le lycée Voltaire à Paris, en lien avec la Maison des Métallos.
Au sein de chaque établissement, ils ont présenté Ton Père dans deux d’entre eux et L’Arbre, le Maire et la Médiathèque dans deux autres, des pièces en prise avec des sujets de société saillants (l’homoparentalité et l’homophobie, l’écologie) et qui questionnent l’espace de la représentation.
La représentation
Il est 10h en ce mardi 23 avril et la cloche du lycée Maurice Utrillo de Stains vient de sonner. Des dizaines d’élèves se croisent dans le hall, passent et se pressent devant la porte de la salle polyvalente, derrière laquelle se joue un moment bien plus calme. Là, les comédiennes et comédiens de la compagnie 8 AVRIL ont pris place au cœur d’un dispositif quadrifrontal et répètent leur texte, chacun dans son coin, en faisant abstraction du brouhaha qui monte depuis le hall. La porte s’ouvre pour laisser entrer les élèves de terminale en option et spécialité théâtre, qui aujourd’hui assistent à une représentation de Ton Père, pièce de Thomas Quillardet. Ce dernier prend d’abord la parole pour présenter aux élèves ce qu’ils vont voir, c’est-à-dire l’adaptation d’un roman autobiographique de Christophe Honoré : « Il y a des situations et des propos crus : ne vous sentez-pas gênés, on pourra en parler après ».
Mais les questions qui fusent après la représentation ne portent pas tant sur le thème que sur les enjeux esthétiques de la pièce : comment occuper l’espace particulier d’une salle polyvalente, pourquoi certains comédiens jouent plusieurs rôles, que permet le dispositif quadrifrontal. C’est ce dernier point qui perturbe et séduit particulièrement les élèves : « On dirait qu’on est nous-mêmes dans la pièce, on se sent inclus ». La mise en scène (re)pensée par Thomas Quillardet induit un sentiment de proximité, lié aussi à l’adresse du comédien principal (Thomas Blanchard) et au fait que ses partenaires rejoignent régulièrement des chaises au premier rang.
L'atelier
Ce travail d’incarnation et de mise en scène, les élèves vont à leur tour pouvoir l’expérimenter, lors d’un atelier avec Claire Catherine et Thomas Blanchard, qui ont joué le matin. Mais c’est sur un extrait d’une autre pièce de Thomas Quillardet qu’ils vont s’appuyer : Une Télévision française. Après quelques exercices d’échauffement physique « pour réveiller un peu le corps », la comédienne distribue des photocopies pour une première lecture de la scène, qui campe ce moment où la rédaction de TF1 passe à côté d’une information historique le 9 novembre 1989 : la chute du mur de Berlin. On distribue rapidement les rôles : « ce n’est pas important que votre rôle soit un homme ou une femme. Lisez à votre façon, simplement pour entendre le texte » précise la comédienne. On s’arrête de temps en temps pour expliciter certains termes et reprendre après avoir buté quelques fois sur les répliques : « Ne vous inquiétez pas, c’est un déchiffrage ».
Thomas Blanchard explique ce qu’il va falloir mettre en scène : les plateaux de deux journaux télévisés (de TF1 et d’Antenne 2), la cabine de réalisation, la salle de réunion. Deux groupes se forment, qui vont chacun travailler à une mise en scène du même texte, proposer des idées et imaginer différents espaces pour rendre lisible l’action. Les élèves ont beaucoup à faire, discuter et à démêler : il faut déterminer où se tiendra le public, penser la distribution des rôles et l’organisation de l’espace. Claire Catherine leur explique que tout ne passe pas par le dialogue sur scène : « si vous n’avez pas beaucoup de texte, vous pouvez être actifs au plateau, camper un caméraman ou une maquilleuse ».
En autonomie, les élèves cherchent des solutions qui impliquent de lire et comprendre complètement le texte et les rapports entre les personnages. Thomas Blanchard distille les conseils : « Testez, jouez des petits extraits et voyez ce qui marche ou pas. Pensez à ce que le public voit, vous jouez pour lui ». Les élèves sont tellement investis qu’ils continuent sur leur lancée quand vient le temps de la pause. « Ce qui m’intéresse, précise Claire Catherine, c’est de leur laisser de la place pour qu’ils organisent eux-mêmes leur scène et se rendent compte que le théâtre, c’est aussi essayer de s’entendre sur des idées et proposer des choses. Travailler en groupe leur permet de mesurer l’étendue de leur imaginaire et la façon dont ils s’organisent. » L’atelier se termine sur les présentations successives des deux groupes très différentes l’une de l’autre.
Les deux heures s’achèvent, tandis qu’entre dans la salle un élève extérieur à la classe mais qui a vu la pièce ce matin et souhaite simplement féliciter la comédienne Claire Catherine. Un geste symptomatique de ce que crée cette immersion au sein du lycée, comme en témoigne Aurélien Cunat, professeur de français et de théâtre : « C’est la troisième année que les élèves d’Utrillo accueillent ce projet d’immersion artistique avec le Festival d’Automne, après la venue de Gwenaël Morin il y a deux ans et de Fanny de Chaillé l’an passé. C’est devenu un moment de l’année très attendu, pour les élèves comme la direction, les enseignants et le personnel administratif. Tout le monde communie dans une atmosphère très plaisante. »