Note d'intention
En prenant la direction du nord depuis Le Cap, dernier bastion colonial d’Afrique, peu avant la frontière avec la Namibie, se trouve la ville d’Okiep et son township, où l’extrême pauvreté s’inscrit dans un paysage semi-désertique superbe et envoutant.
C’est là que j'ai eu le plaisir de travailler (et de beaucoup apprendre) avec le Garage Dance Ensemble, créé et dirigé par Alfred Hinkl et Jon Linden, tous deux originaires de la ville et qui ont choisi de retourner y vivre et travailler. Ils ont créé une troupe de danseurs qui se réunit dans un ancien garage reconverti en lieu de répétition. J’y ai trouvé des personnes aux talents incroyables, avec lesquelles j’ai développé une relation très forte qui a abouti à la création collective d’une nouvelle pièce.
Exploitées des années 1870 aux années 1980, les mines de cuivre d’Okiep étaient considérées comme les plus riches du monde. On y parle principalement l'afrikaans, et les autochtones préfèrent être appelés Coloured, un terme désignant en Afrique du Sud les populations d’ethnies mélangées, qui, dans la région, sont des descendants des cultures nama et indienne.
« Les Coloureds d'Afrique du Sud sont tiraillés entre l’ethno-nationalisme et le nationalisme africain... »
Ismail Lagardien
Bien que présents dès l’origine en Afrique du Sud, les Coloured people ont connu de nombreuses discriminations. Pas assez blancs à l'époque de l'apartheid et pas assez noirs aujourd’hui. Au début de mon travail avec les danseurs, je leur ai demandé les sujets qu’ils aimeraient aborder. Après un silence gêné, ils m’ont répondu :
« Nous ne voulons plus nous questionner sur nos ancêtres »
« On aimerait parler d’autre chose que nos origines »
« Nous souhaitons simplement dire qui nous sommes et comment nous célébrons la vie »
Je me suis alors demandé qu’elle était ma place dans cette équation et comment répondre aux questionnements des danseurs.
La réponse est venue en regardant les paysages qui nous entouraient.
Après les pluies de l'hiver, qui tombent de mai à juillet dans cette région du Namaqualand, les sols semi-désertiques se recouvrent entièrement, d’août à septembre, d’un tapis magnifique de plus de 3.500 espèces de marguerites sauvages, une fleur symbole de paix et de prospérité.
C’est ainsi qu’avec les danseurs nous avons créé …How in salts desert is it possible to blossom… (comment peut-on fleurir dans un désert de sel ?). Pour partager avec le public le spectacle à couper le souffle de cette floraison magnifique qui prend le pas sur le désert !
Robyn Orlin