Entretien avec Thomas Quillardet

 

Qu’est-ce qui a guidé le choix des pièces que vous avez présentées lors de vos résidences ?

Thomas Quillardet : Nous avons choisi Ton père parce qu’il nous semblait important d’amener ce sujet de société aux élèves, et L’Arbre, le Maire et la Médiathèque parce que c’est un spectacle conçu pour l’extérieur et qu’il parle d’écologie et du rapport entre la ville et la campagne. Et puisque nous étions dans un lycée, et pas dans une boîte noire, autant montrer deux pièces questionnant la place du public : soit en quadri-frontal avec Ton père, soit en extérieur avec L’Arbre, le Maire et la Médiathèque.
 

Avez-vous retravaillé ces pièces pour l’occasion ?

TQ : Ton père déploie un travail esthétique très fin, notamment sur la lumière, auquel j’ai dû renoncer, pour réadapter la pièce et la centrer sur l’adresse. J’ai aussi coupé le texte pour le rendre plus léger. C’est un travail d’adaptation pour une écoute et un auditoire spécifiques.

Quels retours avez-vous eu des élèves après cette pièce, qui évoque l’homoparentalité et un cas de harcèlement homophobe ?

TQ : Nous avons présenté le spectacle avec beaucoup de précautions mais l’accueil a été facile et leurs questions ont en réalité porté davantage sur la représentation : la dis-position quadrifrontale, les interprètes surgissant sur les côtés, les adresses au public. Le contenu n’a pas suscité de manifestation hostile, au contraire : la réception a été généreuse, belle, agréable.

Qu’est-ce que cela provoque, de s’implanter dans un établissement scolaire pendant une semaine ? 

TQ : Il y a un côté événementiel et notre présence est perçue comme une bulle d’air : les élèves comme les équipes pédagogique et administrative sont heureux qu’une troupe investisse les lieux et qu’on y sente une autre énergie. Nous sommes très présents dans le lycée : on va à la cantine, on passe nos coups de fil, on travaille en salle des profs, on a comme des heures de permanence. Ainsi, élèves comme professeurs viennent plus facilement nous parler. J’aime cette idée : dans les moments de pause, entre un atelier et un spectacle, il y a une réception possible et on peut nous alpaguer, nous poser des questions sur la pièce ou sur notre métier. Mais cela implique de ne pas nous cacher et de ne pas plier bagage juste après la pièce ou un atelier. 

Comment avez-vous conçu les différents ateliers de pratique qui ont jalonné chaque semaine en immersion ?

TQ : Nous voulions aborder le collectif et la choralité mais aussi montrer plusieurs facettes de la compagnie, en proposant d’autres pièces que celle que les élèves avaient vue. Nous avons décidé de travailler sur Une télévision française, dont la langue est assez facile d’accès et où les codes liés à la télévision sont accessibles. Les ateliers durent deux heures et il faut une certaine immédiateté au texte que l’on va travailler avec les élèves. Par ailleurs, les interprètes de L’Arbre, le Maire et la Médiathèque ont tenu à questionner l’écologie et ont choisi d’organiser un faux débat électoral sur la place de l’écologie au lycée. Cela nous permettait – à nous adultes – de nous connecter à cette jeunesse sur des sujets que nos spectacles portent.

Que retirez-vous personnellement d’immersions comme celles-ci ? 

TQ : Adapter un spectacle à une écoute adolescente et à des conditions esthétiques particulières m’a renforcé dans l’idée que la survie des compagnies et des artistes – dans un contexte général marqué par des baisses continues de subventions – est conditionnée au fait que nous travaillions sur l’adaptabilité de nos spectacles. Nous devons pouvoir jouer au Théâtre de la Ville, au lycée de Stains, dans un hôpital ou dans la rue. Cela implique de renoncer à des choses, techniquement et esthétiquement, pour devenir tout-terrain. C’est passionnant et il faut s’y préparer.