Entretien avec Hortense Belhôte

 

Quelle est l’origine de vos conférences performées ?

Hortense Belhôte : Elle est liée à mon double parcours après le bac, avec un master d’histoire de l’art et la pratique du théâtre dans un conservatoire d’arrondissement. J’ai enseigné un temps l’histoire de l’art, tout en faisant du burlesque par ailleurs. J’ai toujours aimé faire les deux en même temps et, à vingt ans, j’ai écrit une pièce qui était un cours d’histoire de l’art qui partait en cacahuète. J’ai continué à dérouler cette forme, jusqu’à la structurer davantage avec ma première conférence performée, Une histoire du football féminin, puis le développement d’un « catalogue », souvent au fil des commandes. 

Où se jouent vos conférences ?

HB : Elles sont pensées pour être jouées dans d’autres lieux que les théâtres. La question des barrières psychologiques, culturelles et sociales à franchir avant de pouvoir pousser la porte d’un théâtre, me préoccupe. Il faut faire des choses là où les gens sont déjà, au lieu de s’épuiser à les ramener à un endroit où ils n’ont pas forcément envie d’aller. Il y a aussi l’idée d’un art pauvre : pour la conférence Une histoire du football féminin, on a acheté un vidéoprojecteur et tout tenait dans une petite valise. Lors de la dernière semaine de résidence, l’équipe des relations avec les publics du Théâtre de Montreuil a pensé que ce serait une pièce idéale pour des représentations en lycée. Ce spectacle a donc commencé son histoire avec 12 dates dans des lycées. 

Avec le Festival d’Automne, vous avez cette fois joué dans des universités. Quel regard portez-vous sur ces représentations ? 

HB : Ma première pièce, L’Université du bazar, était faite pour être jouée dans des amphis d’universités, devant un public mixte. La proposition du Festival d’Automne est venue réactiver cela, avec davantage de moyens et le même principe de gratuité, essentiel : si je ne joue pas dans des théâtres, ce n’est pas pour en recréer les conditions ailleurs. C’est très intéressant de constituer un public mixte, avec des étudiants – dont la salle de cours va prendre une nouvelle forme – et des personnes de l’extérieur, que l’on remet sur les bancs de la fac, comme une expérience immersive qui impose déjà une fiction. 

Qu’est-ce que cela provoque pour vous ?

HB : Se dire que l’on peut parler à tout le monde et établir des ponts entre les générations, c’est un peu le fantasme absolu de l’artiste. C’est d’ailleurs une question qui est au cœur de Portraits de famille : comment s’adresser aux jeunes qui jouent aux jeux vidéo comme aux retraités ou aux professionnels ? Le spectacle essaie de créer des points de connexion, au-delà de tout ce qui nous sépare. Comme dans un cours, une fois que j’ai donné des informations et références, nous les avons en partage et formons ainsi une communauté culturelle. Ce jeu avec un public mixte et dans un cadre gratuit m’évoque l’idéal démocratique grec de la polis, avec tout ce que ça implique d’horizontalité.

Dans cette même logique, le Festival d’Automne et les universités partenaires organisent systématiquement une rencontre après la représentation. C’est important à vos yeux ?

HB : C’est essentiel ! Mes spectacles ne devraient jamais se jouer sans bord plateau et ça m’est arrivé souvent d’en demander. On le fait systématiquement en milieu scolaire mais il faut le faire partout et tout le temps. Les gens ont envie de me parler après et j’ai envie de les écouter. C’est nécessaire si on veut lutter contre les mécanismes ascen-dants, réinventer le rapport au spectacle et un enseigne-ment basé sur une pédagogie critique. Je transmets une méthodologie personnelle davantage que des savoirs concrets.

Quelle est la nature des échanges que vous avez avec les étudiants et étudiantes ?

HB : Ce sont des personnes très dynamiques, qui sont à un moment de leur vie où elles font des liens avec plein de choses. Elles vont pouvoir s’emparer de ce que je propose, qui va tout de suite résonner avec leurs réflexions. Beau-coup me parlent de leur projet de recherche (sur la perfor-mance, le féminisme, l’histoire, la littérature) et voient tout de suite comment je pourrais y prendre place. À ce titre, j’ai fait beaucoup d’entretiens avec des étudiants. Grâce au Festival d’Automne, je suis dans beaucoup de mémoires de master !

 

Propos recueillis par Vincent Théval, mars 2024.