Olivier Saillard Tilda Swinton Charlotte Rampling

Sur-exposition

Performance

Archive 2016
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Une performance conçue par Olivier Saillard, Charlotte Rampling et Tilda Swinton
Avec Charlotte Rampling et Tilda Swinton
Avec la collaboration de Gaël Mamine, Alexandre Samson, Zoé Guedard, Aymar Crosnier et Katerina Jebb
Coiffure, Gérald Porcher
Maquillage, M.A.C. COSMETICS
Maquilleur, Tom Sapin
Technique, Morgane Denis, Eva Denis pour La Mode en images
Presse, Nathalie Ours, assistée de Romain Roz / PR Consulting
Production déléguée Festival d’Automne à Paris
Coproduction Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris ; CND Centre national de la danse
En collaboration avec le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris et la Maison Européenne de la Photographie
La création de cette performance a été rendue possible grâce au généreux soutien de Louis Vuitton.
En partenariat avec la Clef Tour Eiffel The Crest Collection by the Ascott Limited
En partenariat avec France Inter

À partir des collections de la Maison Européenne de la Photographie, Charlotte Rampling et Tilda Swinton deviennent cimaises. Les portraits et les paysages de Irving Penn, Richard Avedon ou de Brassaï – pour ne citer qu’eux – s’accrochent à leurs bras. Ils s’évanouissent aussi. Comme les images en abîme, trop usées, d’un musée fatigué ou d’une galerie vulnérable, les sujets et les formes ont déserté les cadres. Tour à tour, elles tendent aux visiteurs/spectateurs non pas les tirages originaux qui ont fabriqué l’histoire et l’iconographie du XXe siècle mais leurs fantômes taillés dans le noir et le blanc uniformes. Ombres de clichés surexposés dont il ne reste que les formats d’origine, spectres de carbone désertés de tous ses sujets et ses motifs, les toiles monochromes que tendent Rampling et Swinton sont un souvenir mais aussi le support de nouvelles photographies d’elles-mêmes en devenir.
Ces fantômes des photographies de dimensions variables renvoient au noir sombre quand le tirage est sous-exposé et ne se révèle pas. Au contraire, sur leur face de lumière blanche, ils renvoient à l’éblouissement de la surexposition.
Entre ces deux valeurs de noir et de blanc, les visages de Rampling et Swinton sont les nuances de gris qui ont disparu. Leurs voix légendent les portraits saturés, leurs jeux réactivent les paysages aveuglés.
Cette disparition orchestrée des images qui sollicite la mémoire est une métaphore d’un monde en surproduction qui ne se voit pas toujours sombrer. Les visages de Rampling et Swinton décrivant les photographies disparues comme des archéologues du souvenir sont les capitaines d’un monde soumis à l’accélération qu’elles tentent de ralentir.
La tyrannie du présent est telle, avec l’usage des photographies par téléphone et d’internet, qu’on ne peut plus parler d’urgence de captation du moment. Le risque de rater une photo n’existe plus avec le numérique. L’abondance des images de tout un chacun et leurs canaux de diffusion ont fait de la photographie un langage du quotidien, un art du domaine public. Souhaitant emprisonner l’exceptionnel de l’instant, chacun de nous le périme, le frelate. À tant vouloir conserver l’instant présent ainsi surexposé, nous fabriquons un passé court, instantané.
Chacun de nous accélère la captation du présent en bataille et le précipite plus rapidement que jamais dans un passé imminent.
Portés devant Rampling et Swinton, les fantômes photographiques encadrent les deux visages bien réels, segmentent leurs corps, agissent comme des zooms, éclairent ou assombrissent les paysages intérieurs. Ils restituent le format original d’une exposition en train de se modéliser devant nos yeux, où l’œuvre compte moins que le regard qu’elle invite.
Ce précipice de la fabrication actuelle des images, signifié par l’anonymat des fantômes brandis à bout de bras ou par les miroirs vulnérables à l’air du temps, est devenu le cœur de la performance.
Pour autant, il était essentiel de s’appuyer sur un patrimoine fort de photographies importantes pour l’histoire. Pour en révéler l’importance, la qualité documentaire et artistique et aussi la fragilité.

Olivier Saillard
Directeur du Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris