Enno Poppe Agata Zubel Pascal Dusapin
Koffer, Brot ...
Enno Poppe :
Koffer, pour grand ensemble
Brot, pour cinq instrumentistes
Agata Zubel :
Double Battery, pour ensemble
Pascal Dusapin :
Jetzt genau!, pour piano et six instruments
Ensemble intercontemporain
Sébastien Vichard, piano
Cornelius Meister, direction
Coproduction Philharmonie de Paris ; Ensemble intercontemporain ; Festival d’Automne à Paris
France Musique enregistre ce concert.
Enno Poppe s’intéresse aux cellules, aux atomes, aux arborescences et aux proliférations. Il aime étirer, zoomer l’infime, regarder les textures de près, les faire passer dans la main, comme lorsqu’on achète un tissu ou un tapis. Ce sont les matériaux qui l’inspirent, leur résistance, leur viscosité, leur densité – il est le Ponge de la musique, il prend le parti des choses. C’est là ce qu’on entend dans Brot (Pain), alors que Koffer (Valise) renferme un bric-à-brac à classer, celui des extraits de son opéra IQ : « La valise est en même temps un moyen de transporter et de conserver. Après Armoire et Grenier, une troisième pièce qui se préoccupe d’idées d’ordre ». L’usage des micro-intervalles ouvre un univers parallèle peuplé d’éléments ou d’êtres aux étranges humeurs – grincheux, gémissants, râlants, indécis, reprenant toujours.
Pascal Dusapin conserve le monde sonore ancien ; pas de modes de jeu, équilibre des harmonies, lignes et lianes, élégance. Mais il s’agit aussi de revitaliser dans Jetzt genau! la forme du concerto : comme dans le Concertino de Janacek, pris comme modèle, le piano entre en conversation avec un effectif disparate – clarinette, trombone, harpe, percussion, violon, violoncelle. « C’est ainsi qu’aucun instrument ne peut guère se cacher derrière un autre ; si l’on peut dire, presque tous sonnent “à cru” ». Pièce écrite dans l’urgence, le parcours en est varié, lunatique – touches de jazz, mélopées, duos rêveurs, accords martelés avec fureur. Et aussi « l’ombre de musiques toujours venues d’ailleurs et même d’un peu plus loin sans jamais en citer une seule ».
Avec Agata Zubel, c’est toute l’énergie d’une performance vocale qui envahit le monde instrumental. Zubel est une nouvelle Cathy Berberian qui aurait étudié la « musique concrète instrumentale » de Lachenmann. Double Battery est le titre d’un concerto pour deux percussions, mais où deux clarinettes basses prennent la parole régulièrement. Sinon, une matière en fusion où tout bouillonne et frémit, où les sons traditionnels et tempérés sont l’exception : la musique est corps, nerveuse et à l’affût.