Krystian Lupa

Krystian Lupa est né en 1943 en Silésie. Après un diplôme de graveur à l'académie des beaux arts de Cracovie, il interrompt des études de cinéma pour se former à la mise en scène à l'Institut d'Art Dramatique de Cracovie. Commence alors une période d'expérimentation au cours de laquelle il monte des auteurs polonais tels que Gombrowicz ou Witkiewicz. Dans un texte de cette époque Le théâtre de la révélation, Lupa expose sa conception du théâtre comme instrument d'exploration et de transgression des frontières de l'individualité. En 1985 il présente une première synthèse de ses recherches au Stary Teatr de Cracovie : Cités de rêve, d'après le roman d'Alfred Kubin.
Son arrivée au Stary correspond à un tournant de sa recherche. Lupa s'intéresse davantage à la dimension éthique dans l'art et la plupart de ses mises en scène puisent leur matière dans la littérature russe, autrichienne ou allemande : il a adapté pour la scène des auteurs tels que Musil (Les rêveurs en 1988 puis Esquisses de l'homme sans qualités en 1990), Dostoïevski (Les frères Karamazov en 1990), Rilke (Malte, ou le triptyque de l'enfant prodigue, 1991), Thomas Bernhard (la Platrière, 1992), ou Les Somnambules de Hermann Broch, ample fresque en trois romans publiés au début des années trente, dans lesquels l'entrecroisement des intrigues sur 30 ans, la multiplication des techniques narratives semblent épouser et illustrer la décomposition progressive de toutes les valeurs de l' Allemagne impériale. Selon Lupa, qui signe lui même (outre la scénographie et parfois la musique de ses spectacles), les adaptations et les traductions des textes qui l'inspirent, sa prédilection pour les romanciers vient de ce que "les auteurs de drame pensent trop en termes de théâtre et trop peu en termes de vie".
Il tire de de leurs oeuvres des mises en scène d'une durée envoûtante. "C'est qu'il y a un temps du théâtre propre à Lupa" écrivait Jean-Pierre Thibaudat à propos de la Platrière : "entêtant, vénéneux, dilaté. On ne va pas voir un spectacle de Lupa, on s'y installe comme sur une île pour y passer la nuit. Le théâtre et le jeu des acteurs y perdent leurs effets. Alors ressurgissent des images enfantines que, tout à coup, brouillent les secousses d'un réveil que sont chez Lupa une porte qui s'ouvre sur une discrète ponctuation musicale ou une miette de pain qui tombe avec un bruit de cristal. Il y a chez lui un goût contaminant pour prolonger le temps de la représentation à l'extrême, dans une sorte de sensualite douce et nostalgique".
Depuis 1983, Krystian Lupa enseigne à l'Institut d' Art Dramatique de Cracovie, où il occupe la chaire de doyen de la faculté de mise en scène. Avec les élèves de troisieme année, il a travaillé Les trois soeurs d' Anton Tchekhov, le résultat de cet atelier est présenté au Conservatoire National Supérieur d'art Dramatique et témoigne de son activité de pédagogue.