Valère Novarina

Le monologue d'Adramelech

Archive 1985
Café de la Danse
1 janvierjan.

Le monologue d'Adramelech
de Valère Novarina

avec André Marcon

Il pensait habiter, vivre, non dans un monde mais dans une langue. Il disait : « s'il n'y a pas de monde pour l'homme, c'est parce qu'il parle » que l'homme n'était pas dans un monde, mais dans une langue, jeté. Qu'il en vivait la traversée, du berceau au cercueil, pas de monde pour lui, pas de réel extérieur. Parce qu'il parle. Pas de monde à parcourir, c'est dans une langue qu'il vit, se débattant, enlevant les voiles, tordant les draps. La langue française est mon suaire. C'est le suaire dans lequel je suis né. Lange, suaire, la langue française, je suis dedans. C'est le tissu où j'ai vécu, la chair où j'ai été pris, la chair qui m'a pris. Elle me lâchera. Il pensait être vêtu de langues, porter son costume de langue dans un théâtre silencieux, sur une scène non éclairée.

Valère Novarina