Jean-Marie Patte

Œdipe / Rodogune / Faust

Archive 1978
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Œdipe / Rodogune / Faust
Mise en scène : Jean-Marie Patte
Textes établis par Elia Bolzano
Scénographie et costumes : Georges Boitard
avec : Maria Casarès, Reine Courtois, Roseliane Goldstein, Eléonore Hirt, Michel Baudinat, Georges Boitard, Miloud Kethib, François Kuki et Jean Marie Patte

Trois spectacles apparemment très étrangers l'un à l'autre... Oedipe, d'après, notamment Sophocle et Sénèque. Rituel de l'après mort. Si l'on parvient à tenir le mort tiède en éveil, il éprouvera de nouveau les rencontres qu'il a faites sa vie durant, sous la forme d'un spectacle magique d'évocations brisées, contractées, rapides, ou au contraire insistantes, immobiles, arrêtées, comme les rêves ou l'ivresse. Un oracle décrit les catastrophes qui contaminent peu à peu tout le royaume. La dame aux gants visite un autre espace, un autre temps.
Oedipe se cherche face à son épouse, son peuple, ses filles, Créon, Tirésias, le divin aveugle et le fantôme de son père. Trois acteurs seulement tiennent tour à tour ces personnages du drame. Conformément aux usages du temps, le Faust de Marlowe, pièce mystérieuse par sa clarté et son désespoir, sera joué par une équipe très réduite de comédiens, dans un décor lui aussi réduit à l'essentiel. Faust se définit par rapport à Dieu qu'il provoque à travers la Magie Noire. C'est l'Enfer qui répond, envoyant Méphistophèles qui lui obéit en tout. C'est alors une véritable passion que vit Faust. Il traverse toutes les tentations, Savoir, Pouvoir, Péché, jusqu'à la mort. Il parcourt le monde et le champ des possibilités humaines. Chez le Pape, il ridiculise les rites d'autosatisfaction de la Papauté en transformant la Saint-Pierre en farce funèbre. Le Pape tente en vain de l'exorciser. Chez l'empereur, belle figure de la Renaissance, austère il évoque les ombres d'Alexandre et de sa belle concubine, généreux rêve de la plus grande figure de l'Antiquité. Chez le Duc, figure d'un souriant humanisme nouveau, il fait un don plus humble et plus intime. Lucifer lui amène les Sept Péchés Capitaux. Enfin meurt Faust, sans que Dieu lui ait directement parlé.
Rodogune
est, assurément de Pierre Corneille, la pièce la plus obscure. Lequel de deux princes jumeaux, est l'aîné, et le roi ? Leur mère dispose à son gré du secret. Criminelle avec art, elle évoque pour moi, quelque Médée non-divine. Lequel, des deux princes, est l'aimé ? Rodogune, princesse captive cèle le choix interdit de son coeur. Qui est Laonice, qui passe d'un camp à l'autre. L'arrivée de l'ambassadeur précipite la résolution du secret, et la mort s'étend sur le royaume. Trois spectacles, apparemment très étrangers l'un à l'autre se sont agglomérés, combinés d'eux mêmes. Je cherchais une architecture dramatique propre à faire jouer pleinement une équipe d'acteurs, davantage que des idées ou des décors. Tentant de discerner les ressemblances, les différences entre ces trois textes, je fus frappé par la noirceur : Oedipe marche vers sa cécité, Faust meurt de l'absence de lumière de Dieu, nulle lueur dans Rodogune. La notion de faute (de crime, de péché) fortement liée au "qui suis-je" traverse également ces trois pièces. Les trois spectacles sont donnés en alternance. Je désire que le spectateur soit porté à voir les trois.

Jean Marie Patte