Claude Régy
Elle est là
Elle est là
de Nathalie Sarraute
Mise en scène : Claude Regy
Décors et costumes : Jacques Le Marquet
Elle est là, qui une pensée étrangère à soi, contraire à la sienne où n'importe où justement, dans une tête, n'importe laquelle, proche, pas spécialement équipée pour penser, une pensée nichée là et cette pensée tout à coup vous empêche de vivre, elle est là, dans la pièce à côté, celui qui la porte entre, et c'est intolérable. Le porteur s'éloigne mais le mal est fait un mécanisme est là dans cette cervelle et au-to-ma-ti-que-ment il va saisir, broyer, détruire, réduire en poussière, en bouillie... ce qui respire... ce qui veut vivre.
La plus inoffensive bestiole alerte toute l'attention, parait aussi effrayante qu'un tigre quelque chose qui ne porte aucun nom s'est mis en route, en vie, et prolifère. Une force aussitôt, adverse s'est mise en action, un dispositif se met en place c'est la riposte c'est la terreur c'est l'intolérance détruire ça, laver, nettoyer la cervelle où habite la source cette source la tarir mais l'idée, cachée comme dans un placard, remisée dans un coin, protégée, mise à l'abri, demeure et, de plus belle, derrière un mur, et au-delà où elle est enfermée, la prison, l'asile, un recoin caché de la cervelle, continue son saccage, sa contagieuse infiltration alors le meurtre, l'assassinat, l'exécution, totale, définitive, mais l'idée circule au-delà de celui qui la porte ou la transporte ; même et d'autant plus peut-être après la destruction du porteur, alors ?
Et pourtant, attention ; il ne s'agit pas d'un Etat, d'un parti, d'une religion, d'une lutte historique, d'une société avec ses armes, ses tortionnaires, ses guerres, ses camps, ses bombardements : non, dans un coin, chez n'importe qui, vous, moi, à n'importe quelle situation, à n'importe quel niveau de l'échelle sociale, sans distinction de sexe, dès que ça se produit, le phénomène, alors aussitôt, cette douleur intolérable et aussitôt l'envie de tuer, de régler son compte, d'anéantir, de supprimer pour cette "émanation" et rien que pour ça, quelque soit mon idée quelque soit celle de l'autre et seulement parce qu'elle n'est pas la même ; celle de l'autre, que la mienne. C'est donc si fort, si vaste cette "émanation" tellement irrésistible au siècle de la liberté d'expression, et laquelle est la plus forte, celle qui vient de moi ou celle qui vient de l'autre. Je suis Staline, moi, mon voisin de palier ; ce spectateur du troisième fauteuil au troisième rang en partant de la gauche, habillé d'innocence l'oeil fixe, bien élevé, civilisé, libéral bien entendu, correct. Pour cette idée nichée, pas même exprimée et qui pourrait nicher ailleurs, j'exécute ou alors pour qu'elle vive mon idée, qu'elle éclate, se propage, éclaire le monde, je me fais exécuter parce que mon idée c'est la vérité -quelle vérité pas celle de l'autre, la mienne, c'est la mienne qui est la vérité... On le voit bien, sans crier gare, ce qui s'agite ici sous nos yeux soulève des questions qui sont parmi les plus lourdes de notre temps. Et de cela même il faudra faire un objet de théâtre...
Claude Regy.
Dans le même lieu
Mathilde Monnier Territoires
Investissant les galeries du Centre Pompidou le temps d’un week-end, Mathilde Monnier propose avec Territoires un travail sur la mémoire et la circulation, comme « une collection de 30 ans de gestes issus de ses créations ». Une façon de faire jouer la mémoire au présent, dès maintenant, ou par anticipation.
Apichatpong Weerasethakul Rétrospective intégrale des films et vidéos
Apichatpong Weerasethakul présente la rétrospective intégrale de ses films au Centre Pompidou : ses huit longs métrages, la trentaine de films courts (et rares) qu’il a réalisés, des œuvres collectives ainsi que deux longs métrages dont il est le producteur.
Apichatpong Weerasethakul Particules de nuit
Le cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul est l’invité du Festival d’Automne et du Centre Pompidou. Il expose une dizaine d’installations vidéos qui transforme l’ancien solarium en un espace nocturne habité par les réminiscences biographiques et architecturales.
Apichatpong Weerasethakul A Conversation with the Sun (VR), extended edition
Seconde incursion du cinéaste thaïlandais dans le domaine de la performance, A Conversation with the Sun (VR), extended edition, présentée à Paris dans une nouvelle version enrichie d’une troisième partie, fabrique à l’aide de la réalité virtuelle les conditions d’un rêve collectif.
Ligia Lewis Still Not Still
La chorégraphe Ligia Lewis poursuit avec Still Not Still sa réflexion sur les silences et les zones d’ombres de l’Histoire. Dans cette pièce, les interprètes rejouent en boucle une partition dont la dimension burlesque ne fait que souligner le tragique.
Forced Entertainment Signal to Noise
La compagnie menée par Tim Etchells fête ses quarante ans d’existence et n’en finit pas de se renouveler. Plongés dans une réalité virtuelle qui vacille, six comédiennes et comédiens se voient dépossédés de leurs voix, et de leur être. C’est à ne plus rien y comprendre… Bienvenue dans ce nouveau monde.
Sébastien Kheroufi Par les villages
C’est au balbutiement de son parcours artistique que Sébastien Kheroufi découvre Par les villages, de Peter Handke qui évoque le retour d’un écrivain dans son village natal. Dans ce contexte crépusculaire où un univers décline au profit d’un autre, s’élèvent les voix des « offensés et humiliés » qui autrefois se taisaient.