Carmelo Bene

Roméo et Juliette

Archive 1977
Opéra Comique – Opéra Studio
1 janvierjan.
1/3

Roméo et Juliette
histoire de Shakespeare
selon Carmelo Bene

Le public français connaît Carmelo Bene cinéaste et acteur. Pour la première fois, il va rencontrer l'homme de théâtre à travers deux de ses nombreuses mises en scène : Roméo et Juliette (histoire de Shakespeare), créée fin 1976, où encore une fois après Hamlet dont il a fait quatre versions théâtrales et un film, Carmelo Bene se sert de Shakespeare comme prétexte, comme d'une enveloppe dont il veut ignorer la lettre. Il retisse un texte fruit d'accouplements culturels presque dûs au hasard, le hasard dicté par le plaisir des sons. La scène n'est plus donnée par le décor et le jeu des acteurs ; elle est dictée par la voix triple de Carmelo Bene (enregistrée en direct et en play-back), qui comme dans Notre-Dame-des-Turcs organise ainsi des espaces scéniques nouveaux. Son goût profond du plagiat comme double le conduit à la fois au plagiat du texte shakespearien et au plagiat de l'acteur en tant que personnage, Carmelo Bene interprète un Mercutio inattendu qui vampirise Roméo à qui il ne reste qu'une silhouette sans âme. Tous les personnages ne mettent en scène que le jeu complexe des métaphores qui découlent d'eux, des situations vagues et du plaisir de la théâtralité. S.A.D.E. ou libertinage et décadence de la fanfare des carabiniers de la gendarmerie salentine est une création antérieure à Roméo et Juliette (1974) et les effets théâtraux recherchés sont fort différents. Ce spectacle met en scène et en musique les vicissitudes d'un serviteur zélé envers son maître. Le serviteur - Carmelo Bene propose son maitre - Cosimo Cinieri qui essaie vainement de parvenir à l'orgasme en se masturbant pendant les deux heures du spectacle, les diverses stations d'une inutile descente aux enfers. Le Marquis de Sade, que le titre du spectacle et quelques-unes des situations de l'intrigue semblent évoquer, n'est pas ici l'objet d'un essai critique. Il n'est lui aussi comme Shakespeare qu'un prétexte théâtral parmi tant d'autres - y compris la fanfare - pour la mise en scène d'une série de lieux communs qui fondent et nourissent les traditions existentielles et culturelles de l'Occident et qu'un quart de la scène subversif démystifie. Ce spectacle sera présenté dans une nouvelle version et en français.
(Documentation : Jean-Paul Manganaro).