Yves-Noël Genod

Rester vivant

Archive 2014
Théâtre
1/2

Un spectacle d’Yves-Noël Genod
d’après les poèmes des Fleurs du mal et du Spleen de Paris de Charles Baudelaire
Son, Benoit Pelé
Lumière, Philippe Gladieux
Assistanat, Gildas Gouget

Production Le Dispariteur // Coproduction Théâtre du Rond-Point ; Festival d’Automne à Paris // Coréalisation Théâtre du Rond-Point (Paris) ; Festival d’Automne à Paris // Remerciements Charleroi Danses, Centre Chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles
En partenariat avec France Culture

« Car je cherche le vide, et le noir, et le nu ! »
Charles Baudelaire

Indistinct, indiscret (mais secret), indifférent, incommensurable et irrécupérable sont les dimensions du spectacle auxquelles nous ne donnerons pas accès afin de ne pas le rendre a priori éternel. No secret of fabrication. De toute façon, ça se passera
dans le noir (ce qui a déjà été fait à de nombreuses reprises par les avant-gardes, on ne casse rien, on ne recycle pas non plus) et donc personne ne s’en souviendra. Se souvient-on du noir ? Non : on le traverse.
Ce qu’il faudrait révéler ici reste encore à découvrir, donc ayez peur. Rester vivant est le dernier arrêt du train fantôme dans lequel vous êtes tous embarqués, comme vous le savez très très bien, spectateurs lucides et honnêtes. C’est en plus une promesse de
salut, Rester vivant, donc foncez, vous en ressortirez plus forts comme après tout ce qui ne tue pas et, au pire, vous ne vous serez pas fait d’ennemis. Comme dans Le Joujou du pauvre de Charles Baudelaire (puis dans Le Dormeur du val, d’un autre),
l’horrible surgit au détour des derniers vers, au moment où le poème se resserre comme une fermeture éclair. Alors, spectateur, joue avec le zip. Tout n’est pas dans tout, et réciproquement, comme disait Marcel Duchamp
De tout temps ce spectacle était déjà là, « ready made », comme de tout temps les artistes ont inventé des spectacles qui n’auront jamais lieu. Le noir est l’occasion de montrer cela : ce que l’on n’a pas vu, que l’on ne voit pas mais qui pour autant est déjà parmi tous, à côté de chez vous, tout aussi réel que ce que l’on peut toucher de la main, tout aussi réel que le voisin que vous entendez bailler le soir et éternuer le matin (il est en pyjama mais porte encore quelques paillettes de sa journée quand il était quelqu’un d’autre, Yves-Noël Genod par exemple). Le réel, quel grand mot surtout lorsque l’on sait la part d’invisible dont il se compose, car nous avons envie de montrer du méta-réel, oui. Car l’artiste devient intellectuel quand il se surprend à rêver de son spectacle.
Moins quand il sait le lot de frustration auquel cela le voue. Déballer dans l’obscurité, c’est difficile, mais Yves- Noël Genod essaiera sans bruit ni fureur, mais sans vous endormir non plus, car dormir est la limite du rêve. Et dans un espace indéfini, on montrera ce
qui serait une sculpture, un tableau ou une installation. Ce sera transformer l’image en théâtre parce que cette image deviendra impossible : un fantasme, une vibration, une négation, une abstraction vivante.
Autant de spectateurs, autant d’excentricités qui créeraient alors une échelle innombrable de possibilités.
Bien sûr il n’y aura que du semblable, du reconnaissable mais vous vous sentirez différent en le traversant. Les figures irradiantes ou juste échappées du trottoir se détacheront peut-être de manière énigmatique et brillante comme une « cage aux folles dans le noir », grâce au miracle d’une voix : celle de Charles Baudelaire.
Nous ne sommes pas des fumistes et bien que jouant de la technique du sfumato, nous le prouverons ! Il y a évidemment un projet très intellectuel de superpositions, de « franges », de suburbia, d’intermedia, travaillant sur l’oubli, l’invisible, le mentirvrai,
le caché-montré. Mais cela reviendrait à créer du négatif joyeux-jubilatoire, ce que d’autres font et qu’Yves-Noël Genod ne fait pas. Ce projet ne verra de toute façon pas le jour puisque le spectacle aura lieu dans le noir. Le thème d’ensemble est burlesque
et érotique, sans se résumer à cela.
Spectateur du monde quantique qui, au moment où l’on écrit ce programme, va probablement aller voir Interstellar de Christopher Nolan, tu pressens peut-être que Baudelaire était déjà quantique. Personnalité multiple, caméléon des passages, être de la démultiplication, actif-passif, « au bord du kitsch mais trop lucide pour cela », tu vois très bien...
Quand il parle, il est aussi multiple que la multiplicité dont il nous parle, Charles. Assommons les pauvres !, tu t’en souviens… et cela même si tu ne l’as pas lu.
Yves-Noël Genod est une installation comme Charles Baudelaire. Yves-Noël Genod souffre autant que Charles Baudelaire même si la postérité ne peut pas encore le lui rendre. Yves-Noël Genod est plus tonique, plus actif que Charles Baudelaire, et mieux
habillé aussi (bien que l’on manque de documentation). Yves-Noël Genod, qui est en passe de devenir une marque de luxe, attend les célibataires qui le mettront à nu dans le noir. Yves-Noël Genod sait très bien ce dont tout le monde a peur, et il ne revient qu’à lui de retourner le couteau dans la plaie, ou d’en faire un bel accessoire de théâtre. Bref Yves- Noël Genod n’est pas et ne se prend pas pour Charles Baudelaire et c’est pour cela qu’il n’a jamais vraiment fait, malgré ses talents d’illusionnistes, du spectacle d’illusion.
Tout n’est pas dans tout et réciproquement, comme disait Duchamp.
Isabelle Barbéris, novembre 2014

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