Inbal Pinto

Wrapped

Archive 1998
Danse

Chorégraphie de Inbal Pinto
Wrapped
Pièce chorégraphique en trois parties :
The Orchard

Duet
Wrapped
Musique, collage (Fats Waller, Golden Quartet, Astor Piazzola, Chaplin, Bring in Da'noise, Ludwig van Beethoven, Art Tatum et Ben Webster).
Décors et costumes, Inbal Pinto
Avec Idit Solange, Michal Sharon, Ram Dekel, Moria Dvier, Galit Nemirovsky, Yossi Polak, Inbal Pinto, Niv Schenfeld

Parmi les chorégraphes invités en France pour la Saison Israélienne, il en fallait bien un pour traiter par l'humour la dure réalité d'Israël aujourd'hui. Et Inbal Pinto a peut-être une bonne raison pour épingler avec désinvolture ses personnages atypiques, entre BD et dessin animé, s'attardant plus sur l'intangible nature humaine que sur ses particularismes géographiques. Sa mère est d'origine polonaise et son père, sépharade, est issu d'une famille installée depuis neuf générations sur une terre qui n'est israélienne que depuis cinquante ans... Ce qui lui donne une certaine assise et un recul évident. Aussi peut-elle affirmer d'une voix calme : "Mes créations sont optimistes et différentes de la réalité quotidienne parce que j'ai envie de donner autre chose à voir." Autre chose que la sempiternelle confrontation avec les interdits imposés par les ultrareligieux. Sauf que, par le biais de l'humour, elle malmène allégrement l'image stéréotypée des rapports entre hommes et femmes.
Formée à la danse contemporaine depuis l'âge de 13 ans, elle suivit également des études d'art graphique et de design intérieur à Jérusalem. Proche de la Batsheva Compagnie dont elle fut interprète pendant quelques années avant de créer ses propres pièces, Inbal Pinto officie désormais dans le superbe centre Suzanne Dellal à Tel-Aviv et poursuit avec bonheur le mélange des genres en travaillant à la fois la danse et le décor, les costumes et les pantomimes burlesques qu'ils font naître. Dans Wrapped, le quotidien est magnifié ou ridiculisé par l'agrandissement dont il est l'objet : verticale outrageante du papier peint qui absorbe les personnages, coiffures à la Fifi-brin-d'acier (mal) accordées aux redoutables talons aiguilles des filles, grimaces et bruits de bouche soumis à l'arbitraire d'un rythme qui tient lieu de langage, fausse complicité et vraie rivalité... Le paradoxe d'une existence accrochée au perpétuel déséquilibre des forces surgit sans emphase : il n'est que la conséquence d'un regard acéré, tempéré par la tendresse, l'empathie et une indécrottable volonté de libérer le regard et de dévoiler, dans le même mouvement, des couleurs insoupçonnées et des accords imprévus.

Fabienne Arvers in Les Inrockuptibles